La rue de la Tombe-Issoire est un lieu-dit de Paris qui a donné son nom à la rue de la Tombe Issoire, dans le 14ème arrondissement. L’origine du nom pourrait venir de la légende d’un géant nommé Ysoré
Une autre origine fait remonter ce nom au vieux verbe tombir (retentir, résonner), là où l’on entend le bruit de la route ou de la résonance du sol
Là, sous nos pieds, nous sommes situés au-dessus des carrières et futures catacombes de Paris.
Pourtant, des lieux-dits La Tombissoire se retrouvent ailleurs
A Jonquières dans l’Oise, au lieu-dit la Tombissoire, proche de Montplaisir et de Compiègne, ou à quelques kilomètres de là, à Canly
Il s’y trouve une éminence sablonneuse de forme ovale, qui pourrait être un tumulus ou tombeau gaulois.
La tradition locale veut qu’il y ait eu des trésors enfouis sous ce tertre dont le nom en picard signifie un lieu qui résonne ou retentit sous les pieds », Tiens donc !
Aujourd’hui le tumulus de Montplaisir a été rasé. Revenons à Paris !
Déjà La Tombissoire est notée sur le plan de Jouvin de Rochefort de 1672 et la Tombe d’Isoire sur le plan de Roussel de 1731, et ce dernier plan fait mention d’une croix à l’angle de la rue de la Tombe Issoire et de la rue Dareau, et d’un moulin
Alors, pourquoi une croix à cet emplacement ?
Diverses interprétations ont enflammé les historiens et les passionnés d’énigmes. La rue de la Tombe Issoire, c’est la vieille route d’Orléans, la légende situe ici-même la tombe du géant Isoré, sa tombe serait située sur ce grand chemin d’Orléans. Il y aurait effectivement eu un fait réel qui s’est passé à Lutèce en 978… Lutèce c’était l’ile de la cité.
Le géant Ysoré vaincu par Guillaume d’Orange, est enterré sur place, au croisement de la rue de la Tombe Issoire et de la rue Dareau. Un chroniqueur ancien du XVII° siècle, Henri Sauval nous apporte quelques révélations intéressantes.
Je cite
” sur le grand chemin d’Orléans, une vieille croix ruinée, est appelée la Croix Isore et ne ressemble pas mal au Tombeau d’une personne de qualité ; car, outre qu’elle était de pierre, et élevée sur une espèce de tertre. Elle était encore plantée au milieu d’une autre pierre fort grande et carrée, longue à la façon d’une Tombe”.
Pile-poil sur l’actuelle rue de la Tombe Issoire, à hauteur de la rue d’Alésia de nos jours
Au carrefour actuel des rues Dareau et Tombe Issoire. Voilà c’est notre Croix de la Tombe Isoré.
On sait depuis longtemps que ces croix répandues en nos campagnes et sur certains lieux-dits, commémorent un événement local et font l’objet souvent de légendes diverses.
Quand Lutèce, aux mains du roi Louis le Débonnaire (778-840) est assiégée par 20 000 Sarrasins, armée redoutable conduite par un chef plus terrifiant encore, le géant Isauré. Sa taille est trois fois celle d´un homme ordinaire ; Isauré est remonté car l´un de ses amis a été tué par un soldat du roi Louis.
En mettant le siège devant Paris, il a lancé un défi : il est prêt à se mesurer en combat singulier avec un chevalier assez courageux pour l´affronter. S´il gagne, il passera au fil de l´épée un Parisien sur dix, laissant au sort le soin de désigner les victimes. Mais si personne ne se présente dans un délai d’un mois, alors il détruira la ville de fond en comble. Las ! Aucun chevalier n´a osé relever le défi du géant, et Isauré, sous les fenêtres du roi, se moque de la couardise des habitants. il ne manque plus que deux jours pour que le mois soit écoulé, et le bon roi Louis arpente son château, demandant toutes les cinq minutes : « N´a-t-on pas de nouvelles de mon féal Guillaume de Bourgogne ? »
Le vaillant Guillaume est le dernier espoir du roi : lui seul, pense-t-il, aura le courage de s´attaquer à Isauré. Louis a tort de s´inquiéter : à l´heure où il s´enquiert du sort de Guillaume, ce dernier, accompagné de son seul écuyer Bernhardt, est en vue du camp de Montsouris, où les Sarrasins ont dressé leur tente.
Mais avant de songer au combat, il faut reprendre quelques forces. Guillaume a faim. Malheureusement, il n´y a rien à manger. Après s´être nourri de quelques racines, agrémentées d´un trait de vin, Guillaume se présente au camp des Sarrasins et hèle la sentinelle : « Je suis Guillaume de Bourgogne, lui déclare-t-il fièrement, et je viens dire à ton chef que si son sang n´est pas du jus de navet, je prétends à l´avantage de me mesurer à lui. » Le chevalier est accueilli par les vivats des Parisiens et les quolibets des Sarrasins.
Mais voici Isauré, et à sa vue Guillaume ne peut s´empêcher de frissonner. « C´est toi, moucheron, qui ose me défier, ricane le géant. Je regrette que tu sois si chétif, je n´aurai pas plus de plaisir à t´écraser qu´à aplatir une puce ! » Combat inégal
Isauré est si grand que Guillaume ne peut l´atteindre avec sa hache. Toutes ses tentatives sont vaines. Il pare à grand-peine les redoutables coups de massue, son glaive se brise. Il évite en bondissant les attaques de son adversaire, mais ses forces faiblissent.
Mais voici que du ciel descend une forme blanche : c´est une colombe. Brusquement, l´oiseau s´abat sur le visage d´Isauré et l´aveugle de ses ailes. Guillaume ne rate pas l´occasion : de son tronçon, il tranche le jarret du géant, qui tombe à terre, puis lui coupe la tête.
Isauré est mort,
Désemparés, les Sarrasins prennent la fuite, poursuivis par les troupes du roi. Paris est sauvé. Sous les acclamations et les félicitations royales, Guillaume garde la tête froide : il sait qu´il doit sa victoire à une colombe reconnaissante.
Quant à Isauré, le roi le fit enterrer dans un coin du camp de Montsouris. Plus tard, un monument y sera élevé, et les Parisiens, dit-on, aimaient aller s´y reposer le dimanche. Le monument a disparu, mais il a laissé son nom à une rue : la Tombe-Issoire.
Cet affrontement est l’une des grande chanson de geste de l’époque.
Au XVe siècle, vient le temps des romans,
On met en prose les chansons de geste dont celles du cycle de Guillaume d’Orange dont je viens vous parler. Le géant Ysoré est toujours roi de Corymbres, mais cette fois, il campe sur la rive gauche « vers Nostre Dame des Champs ». Or, à l’époque, le fief de Notre-Dame des Champs s’étendait, vers le sud, jusqu’à l’emplacement de notre église Saint-Dominique. Ce texte concorde avec notre légende
Le récit évoque la tombe du géant, nous touchons au but
Notre rue de Ia Tombe-lssoire était un des chemins du pèlerinage de Compostelle, en partance depuis la Tour Saint jacques dans le 4ème arrondissement Les pèlerins avaient coutume de s’arrêter à la Tombe lssoire, notre rue actuelle où l’on se devait de jeter la pierre au géant lsoré, proprement dépêché sous terre, alors qu’il voulait prendre Paris au roi Louis
Tout concorde alors !
Mais la vie des mots et des sons, le temps et les évolutions de la langue et les phonétiques brouillent les pistes.
Je remercie déjà par avance les linguistes qui se sont penchés sur cette évolution avec intérêt et passion pour éclairer notre lanterne.
Je simplifie au maximum pour une bonne compréhension.
De la tombe issaure à la tombe d’Ysoré en passant par la tombe issoire
De Tombe Issaure en Tombissore puis en Tombissoire
Mais le passage de Tombe d’Ysoré- ou Tombe Ysore en Tombissoire ne s’explique pas parce que l’accent aigu final des mots du 12e siècle s’est conservé dans le français moderne.
L’orthographe de la Tombe lsoire apparaît en 1466
Les plans dont nous avons déjà parlé indiquent bien la Tombisoire,
Soulignons le fait que vers le XIIIe siècle, une grande époque de mutation pour la langue française, le suffixe nominal – ORE devint -OIRE.
L’orthographe Tombisoire est confirmée. On est loin alors de la Tombe Ysoré
Aujourd’hui, on orthographie rue de la Tombe-Issoire, avec deux S. En ancien français, on double le S pour transcrire le son sourd. Longtemps, une certaine liberté phonétique subsista.
Et l’on voit que si l’orthographe de Ysoré ressemble fort à celle de Tombe Ysore, la prononciation est très différente de celle de Tombissore.
Cela veut dire, que ce n’est pas la chanson de geste du XIIe siècle qui est à l’origine du nom de lieu-dit Tombe-lssoire, mais au contraire le nom du lieu-dit qui a influencé le remaniement en prose du XVe siècle.
Ainsi, à partir du XIIIe siècle, deux traditions ont coexisté, celle de la Tombis(s)ore sous la forme Tombe lsaure qui a évolué en Tombis(s)oire puis enfin en Tombe-Issoire, et celle légendaire de la Tombe d’Ysoré, qui a émergeait de l’imaginaire de nos ancêtres.
Et les mots voyagent et se transforment
Au Xlle siècle, à notre actuel carrefour des rues de la Tombe-Issoire et Dareau, se situait une fosse aux retombis.
Le bruit du trafic de la route d’Orléans y résonnait – y tombissait et la terre était une véritable Tombissore
Et il fallut latiniser le nom dialectal Tombissore,
le substantif ne venant pas du latin, on employa donc un expédient usuel en bas-latin qui consiste à scinder le nom pour former un équivalent phonétique latin.
On commença par employer la racine tumb-, puis, simuler le suffixe par le nom propre Isaura. Et enfin décliner les deux mots, ce qui donna Tumbam Isaure.
De Tombis(s)ore à Tombe Ysoré, il n’y avait qu’un pas… qu’on franchit allégrement
La confusion fut amplifiée par le fait que rapidement le verbe tombir tomba en désuétude.
Notre aventure linguistique nous a laissé pantelant et sans voix.
Mais ne baissons pas les bras et soyons bercer tendrement par les légendes qui nous transportent, nous font rêver et nous emportent loin, très loin d’ici bas….!
Découvrons Paris
La Crypte enfouie de la rue Nicole
Liens externes
la mystérieuse et médiévale Tombe-Issoire (suite) : lavoixdu14e.info (blogspirit.com)
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